La petite graine

Je me souviens d’un temps pas si lointain ou j’étais une petite graine, on m’appelait à l’époque spermatozoïde mais franchement qui a envie de s’appeler spermatozoïde ?
je faisais beaucoup d’exercices physiques (surtout la natation) tout en me la coulant douce. Pendant ce temps, une autre partie de moi même attendait nonchalamment près d’un col.
Lorsque la rencontre se produisit, ce fut éblouissant, un moment fusionnel j’ai eut enfin l’impression d’être moi même, complet et entier.
Mais ce fut de courte durée car voilà qu’une force maligne me sépara à nouveau en deux, et depuis je n’arrête pas de me diviser.
De cette époque, j’ai gardé le souvenir d’avoir deux polarités, une qui aime foncer, agir, pénétrer et posséder le monde, et une autre qui aime sentir et ressentir, se laisser faire, se laisser prendre.
Quel travail d’assumer de telles tendances apparemment contradictoires.
De plus loin encore, j’ai gardé la mémoire du végétal, j’étais une graine dans un arbre magnifique.
Tout l’arbre était à mon service , m’apportant le meilleur de la sève, me faisant ombrage de ses feuilles pour me préserver de la brûlure du soleil, m’enivrant du parfum exquis des fleurs, me parant des plus belles couleurs.
Mais un jour, les choses se gâtèrent, je ne sais plus si c’est l’arbre qui en avait assez de m’entretenir à ses frais, ou si c’est moi qui tout gonflé d’orgueil ai pensé que je pouvais partir à la conquête de monde, ou peut être encore que cela fut une séparation par consentement mutuel.
La chute fut brutale, du jour au lendemain je fut privé de tout mes subsides, fini la sève nourricière, fini les doux parfums et les couleurs chatoyantes, seule la froideur du sol vint m’accueillir et pour augmenter mes souffrances un animal pris le soin de m’enterrer.
Même la douce lumière du soleil n’était plus la pour me consoler, c’était la nuit, le froid et l’humidité.
Que faire devant tant d’adversité ? heureusement j’étais doté d’une solide constitution que j’avais eut le temps de mettre au point lors de mon séjour paradisiaque et cela me faisait entrevoir que j’avais du temps devant moi pour me tirer d’affaire. Je passais le plus clair de mon temps à méditer ou à observer ce qui se passait dans mon environnement, j’apprenais à détecter les infimes variations d’humidité du sol, le bruit des animaux qui s’approchaient, le chant des oiseaux qui traversait le sol.
C’est ainsi que j’appris l’alternance des saisons, chose qui n’existait pas dans mon monde paradisiaque.
J’appris peu à peu à m’habituer et à aimer ce nouveau monde, à tel point que je sentait comme une palpitation en moi (peut être un lointain reflet de l’alternance des saisons), comme germe qui chercherait à s’exprimer.
Au début je n’y prêtait pas trop attention, mais comme ce germe poussait de plus en plus, je dus le sermonner un peu, je lui expliquais que le monde était difficile, qu’il fallait se méfier, que le premier gel venu le détruirait. Il m’écouta et devint plus sage,mais la force vitale qui était en lui semblait la plus forte, il me rappelait l’époque ou j’avais quitté mon arbre pour partir à la conquête du monde.
Alors complètement séduit je m’en remis entièrement à son ardeur, lui aurait le feu de l’amour et moi j’apporterais ma sagesse, ensemble nous ferions un nouveau couple pour commencer à créer une première racine et une première feuille, ensuite la forêt serait à nous.

Suite de l'histoire quelques années plus tard.

Ils s’étaient quittés rapidement, a peine le temps de se dire au revoir, Sur la terre la situation devenait inquiétante, de gros nuages menaçants s’étaient accumulés et ils avaient comme mission de les dissiper pour rétablir la clarté du soleil.
Le sort les avait dispersés un peu partout, Jean a Palaiscau, Michele a Aubewilliers, Janine a Paris, Yves a Amiens, et tant d’autres qui ne s’étaient pas encore manifesté.
Au paradis, tout était simple, ils vivaient dans un tel état de fusion et de communion que la moindre pensée ou la moindre émotion de l'un était complètement et instantanément comprise et ressentie par tous les autres.
Mais maintenant qu`ils étaient descendus sur terre, comment allaient ils faire pour se retrouver ?
Presque tous avaient perdu la mémoire de leur origine divine et ils s’étaient reconstruit une personnalité plus limitée mais adaptée a leur environnement.
Heureusement l`arbre nourricier leur avait appris un mot magique, c’était le mot Rogers. Des qu`ils entendraient ce nom, leur subconscient allait se manifester et leur apporter progressivement la révélation du sens et du but de leur vie sur terre.
En bas, chacun avait développé des caractéristiques particulières, l’intuition, la compassion, la sagesse, l’autorité, la douceur, le charme, l’amour, 1’intelligence.
Les conditions sur terre étaient trop dures pour qu’aucun puisse manifester la totalité des qualités divines, alors chacun avait une spécialité, mais comment reconstituer le puzzle ?
La vie se chargea de les faire se rencontrer, tous avaient réagis au mot de ralliement Rogers, et de proche en proche ils avaient rejoins différents mouvements pour finalement se retrouver dans un groupe de parole. 
L’ambiance y était chaleureuse mais encore loin des sommets qui présidaient a la vie dans l’arbre nourricier.
Cela ne gênait pas grand monde car le souvenir des origines était encore loin.
Il y avait un travail plus urgent a faire, chacun était empêtré dans des problèmes personnels et il fallait s’atteler a cette tache avant que d’espérer se reconnaître et travailler a la mission d`origine.
L’incarnation les avait fait se recouvrir d’une peau de bête qu’ils ne maîtrisaient pas complètement, les échanges étaient laborieux.
Parfois un jet d’émotion incontrôlée partait à l’insu de quelqu’un et allait blesser quelqu’un d’autre, mais le groupe était toujours la pour arrondir les angles,
A force d’échanger et d’exposer les problèmes, il devint évident que-beaucoup du parcours avaient un fond commun, même si les formes étaient multiples, un nouveau langage, une nouvelle sensibilité se mirent progressivement en place.
Le stade du langage allait il être dépassé pour retrouver les origines communes ?


L'aventure ne faisait que commencer.

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