La maîtrise ne consiste pas à faire ce
qui nous passe par la tête, la maîtrise ne consiste pas
à laisser le mental et l'ego exercer toute forme de tyrannie sur soi même ou sur les autres.
La maîtrise est une relation d'amour entre un
aspect sublime de soi et un aspect moins sublime.
On pourrait prendre l'exemple du cavalier avec son
cheval. Certes le cavalier donne quelquefois des ordres à son
cheval, mais le reste du temps, il lui construit une étable, il
le nourrit, il le soigne et s'occupe même de sa reproduction. Chaque partie y trouve son compte.
Pour revenir à l'homme, il est
intéressant de noter que celui ci se compose de plusieurs plans
: l'intellectuel, l'émotionnel, le spirituel, le physique.
Etablir la maîtrise consisterait donc à établir des
relations d'amour entre chacun de ces plans.
Certains aspects de cette maîtrise sont
déjà établis par l'évolution de
l'humanité. Par exemple un enfant développe
spontanément la relation entre l'intellect et le corps physique,
ce qui lui permet de marcher, de se nourrir etc....
D'autres aspects sont par contre encore balbutiants,
comme la relation entre le monde spirituel et le monde intellectuel et
c'est sur ces relations que nous avons le plus à travailler.
Toutes les religions ont des codes moraux destinés à nous
initier à tel ou tel aspect de la maîtrise. Une
étape importante est accomplie lorsque nous passons d'une morale
"imposée" à une morale "choisie" et souvent, nous
choisissons par ce que nous avons compris que telle pensée,
telle parole ou tel acte avait des conséquences.
Un point important à considérer est la
notion de source. C'est à dire ou allons-nous puiser la
vérité pour nous permettre de déterminer que telle
parole ou tel acte est juste ? Nous pouvons considérer que nous
somme inspirés par un monde spirituel bâti sur plusieurs
niveaux, et plus nous sommes subtils, plus nous pourrons
bénéficier d'informations et de sensations
élevées. Le premier travail à faire est donc de
s'élever, de se purifier pour aller puiser à la source
divine qui est en nous. Le fait de savoir que cette source existe est
déjà un premier pas pour la capter.
Une condition à vérifier pour respecter la
loi d'amour, est que lorsque un aspect sublime donne un ordre à un aspect moins
sublime, ce dernier le ressente comme un désir venant de l'intérieur (voir la
page sur la polarité).
Une fois que nous aurons appris à capter la
source en nous, alors nous saurons quel travail de maîtrise nous avons à
entreprendre sur nous, car chacun a un travail particulier à faire.
S'il est important de savoir être actif quand
les conditions y sont favorables, l'équilibre
nous demande aussi de savoir pratiquer la polarité inverse à
savoir le lâcher prise (ou la mise en mode réceptif).
Le bon exemple est celui du paysan qui s'est beaucoup activé pour désherber,
labourer, semer, et qui doit ensuite attendre que la graine veuille bien germer
et se mettre à grandir (à comparer avec les sept jours de la création qui furent
suivis d'un jour de repos).
Voici maintenant le résumé d'un café-tao consacré au lâcher prise et animé par Jean Luc Bertet :
« Quand les conditions sont suffisantes les choses se manifestent.
Quand les conditions ne sont pas suffisantes, elles se retirent, elles
attendent le moment opportun pour se manifester à nouveau. » Bouddha
Cette belle citation du Bouddha résume parfaitement ce qu’il faut
comprendre par lâcher prise. Le lâcher prise consiste en une acceptation
lucide de la situation réelle d’où un retrait stratégique qui
n’implique en aucun cas un abandon pur et simple. En somme, le lâcher
prise est comparable à une souplesse d’esprit à l’image du roseau de la
célèbre fable de Lafontaine qui plie mais ne rompt pas ! De façon plus
triviale et humoristique, on peut comparer l’homme moderne incapable de
lâcher prise au singe qui s’entête à garder le poing serré sur sa banane
ce qui l’empêche de se libérer du piège dans lequel elle est prise. Le
fait est que l’homme moderne typique, produit standard de la société de
consommation occidentale n’est pas doué pour la pratique du lâcher
prise. Or, cette incapacité de savoir lâcher prise est la cause de la
plupart des problèmes psychologiques qui empoisonnent la vie des
individus. Incapables de lâcher prise avec un travail qui les écrase,
certains vont jusqu’à se donner la mort tandis que d’autres ne voulant
pas lâcher prise avec la possession d’un être qui ne les aime plus
commettent des crimes atroces…Pourquoi un tel entêtement destructeur ?
Pourquoi une telle incapacité à lâcher prise ? Pourquoi a-t-on tant de
mal à lâcher prise ?
La réponse traditionnelle du
bouddhisme à toutes ces questions consiste à mettre en avant
l’encombrement de notre ego. L’ego aurait cette fâcheuse tendance à
vouloir toujours se gonfler davantage pour remplir de sa présence tout
ce qui n’est pas lui. Dans mon premier livre, j’ai appelé
métaphoriquement cette maladie de l’ego « le complexe de Dieu », un mal
qui touche plus particulièrement la civilisation occidentale. Cette
inflation de l’ego nous pousse de façon obsessionnelle à tout vouloir
s’approprier d’où la fatalité tôt ou tard d’un effondrement douloureux.
L’obsédé financier finit toujours en faillite, l’obsédé alimentaire en
indigestion et l’obsédé sexuel en frustration. Trop d’une chose finit
toujours par tuer cette chose comme le dit le proverbe populaire. Et le
plus étonnant dans cette tragique affaire, c’est que l’intelligence la
plus aiguisée ne constitue en aucun cas une protection contre ces
débordements stupides de l’ego. Tout se passe comme si l’intelligence
rationnelle de l’être humain n’était pas adaptée à la recherche du
bonheur. Ce n’est pas par hasard qu’un Voltaire a pu faire l’éloge de
l’imbécile heureux dans un de ses contes philosophiques. Et ce n’est pas
non plus une coïncidence si Schopenhauer, surnommé le bouddhiste
d’Occident a fustigé l’absurdité du vouloir-vivre qui soumet l’être
humain au supplice de Tantale du désir qui ne peut jamais être assouvi.
C’est en lecteur avisé de Schopenhauer que Freud va élaborer sa théorie
très controversée de la pulsion de mort. Pour Freud, il existerait chez
l’homme à côté d’Eros, la pulsion de vie, une pulsion de mort appelée
Thanatos. Or, c’est l’existence d’une telle pulsion de mort qui
expliquerait pourquoi l’être humain s’entête parfois à choisir des
options qu’il sait résolument lui être fatal. Une telle pulsion
d’autodestruction est patente dans la pathologie du masochisme qui
dépasse de loin le seul domaine de l’inversion sexuelle. Du point de vue
de la psychanalyse, l’individu ne veut pas lâcher prise parce qu’e
fondamentalement il ne veut pas être heureux.
Or, pourquoi l’être humain ne voudrait-il pas être heureux alors
que le bonheur est ce qu’ « officiellement » tout le monde recherche ?
La psychanalyse explique ce paradoxe par le recours à la culpabilité
diffuse qui pousserait tout individu à s’auto-punir. De son côté, le
bouddhisme a recours à la théorie de la charge karmique pour expliquer
le comportement autodestructeur des êtres humains. Tout se passe selon
moi comme si l’individu aurait inconsciemment tendance à se laisser
aller à ses passions égoïstes pour satisfaire simultanément sa pulsion
de vie et sa pulsion de mort. Or, le lâcher prise consiste précisément à
suspendre cette course folle de l’ego et à se libérer de ce système
absurde de la récompense-punition afin d’apprécier pleinement l’instant
présent…
Jean-Luc Berlet
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personnelle de yves accard